Interview réalisée à Paris le 12 Mais 2005 par Jee Jacquet et Eric Ouaknin

Il s'en est passé des choses en deux ans pour la Gotthard team ! Départ de Mandy Meyer (guitare), arrivée de Freddy Scherer, création du label G Point, changement de management et bien sûr, l'enregistrement d'un nouvel album - " Lipservice " - qui marque un certain retour aux sources pour nos amis suisse. Steve Lee (chant) et Freddy Scherer (guitare) s'expliquent.

Rock Time : Tout d'abord, pourquoi Mandy Meyer a t-il quitté le groupe ?

Steve Lee : Je crois qu'il en avait marre de ce style de musique et qu'il avait envie de faire autre chose dont un album solo. Il était avec nous depuis cinq ou six ans et a toujours été un peu à part. Mandy est un excellent musicien et un type sympa mais il ne s'est jamais réellement intégré au groupe. Il était temps pour lui d'aller voir ailleurs, de réaliser ses envies. Nous en avons discuté ensemble et cela n'a pas posé de problème. La meilleure solution était de lui rendre sa liberté. Je ne veux pas dire du mal de Mandy mais pour être honnête, Freddy en a plus fait en trois semaines pour Gotthard que Mandy en six ans ! Il n'était pas souvent avec nous, outre pour les répétitions, les concerts et l'enregistrement des albums. C'est quelqu'un qui vit dans son propre monde.

Freddy, comment as-tu été engagé et connaissais-tu Gotthard auparavant ?

Freddy Scherer : Tu dois savoir que j'étais membre de China, groupe où Marc Lynn (Gotthard) officiait en tant que bassiste. Nous nous sommes un peu perdus de vue pendant plusieurs années avant de nous retrouver un beau jour à Zurich. Par la suite, Leo (Leoni - guitare) m'a appelé pour me dire que Mandy Meyer partait et qu'il y avait donc un poste de guitariste à pourvoir. Je suis allé passer une audition et hop, affaire conclue ! Je connaissais Gotthard depuis longtemps mais pas personnellement, seulement leur côté public. Lorsque j'ai répété avec eux, je me suis tout de suite senti à l'aise, une sorte d'osmose s'est instinctivement créée.

Quels furent tes antécédents avant de rejoindre Gotthard ?

China, après des années d'absence, s'est reformé en 1995 et nous sommes même venus jouer en France ! Mais depuis le début du groupe, en 1985, rien n'a jamais été stable. Ces changements incessants de chanteurs, la pression due au fait d'être sur un label important, ces come back à répétition étaient fatigants. Tu ne peux pas tout arrêter puis relancer le groupe encore et encore. Ce que je voulais, c'était un petit groupe cool et c'est pourquoi j'ai fondé un projet en parallèle. Nous étions trois et partout où il était possible de jouer, nous étions là. De 1986 à 1988, nous avons donné cinquante à soixante concerts par an et c'est ce dont j'avais besoin. Nous avons enregistré un album en cinq jours et je reconnais qu'il n'est pas spécialement bon mais cela convenait parfaitement au marché de l'époque. Après, j'ai fait un break de deux ans avant de refonder un groupe : Liz Libido, lequel a enregistré deux albums en six ans. Nous avons toujours obtenu de bonnes critiques de la presse mais les ventes étaient nulles et ce ne sont pas les critiques qui te remboursent tes frais ! On a donc décidé de stopper la machine et peu de temps après, on me contactait pour rejoindre Gotthard.

As-tu eu la possibilité de participer à l'écriture du nouvel album ?

Oui et c'est une chose complètement inattendue ! Le groupe est là depuis quatorze ans, je suis le petit nouveau alors je ne pensais pas qu'on allait me demander d'écrire quoique ce soit tout de suite. Mais Leo et Steve ont tenu à ce que je sois impliqué le plus rapidement possible. Chacun a composé individuellement chez lui, j'ai enregistré toutes mes idées, une quinzaine, puis les ai soumise au groupe. Je me suis imprégné de l'esprit Gotthard pour ce travail car selon le groupe avec lequel tu bosses, tu dois t'adapter à leur style et ne pas proposer n'importe quoi.

Steve : Je fus très surpris de voir qu'il avait autant d'idées et des bonnes ! Il n'a pas été facile de choisir dans le lot. Nous avons d'ailleurs enregistré dix huit titres mais il n'y en a que quatorze sur le cd. Le surplus figurera probablement sur des face B de singles ou autre.

Je décrirai " Lipservice " comme un croisement entre le "vieux" Gotthard (hard rock/big rock) et le nouveau (plus axé sur le rock mélodique). Qu'en penses-tu ?

Gotthard n'a jamais vraiment abandonné le hard rock même si nous avons, ces dernières années, inclus de nouvelles sonorités et des teintes pop/rock à notre musique. On fait la musique que l'on ressent, je suppose que c'est une question d'humeur mais le hard rock fait toujours partie de nous et peut-être qu'il est plus présent sur Lipservice qu'il ne l'était sur le précédent. Cet album a été enregistré très spontanément et je pense qu'il contient vraiment de bonnes chansons. Quoique nous ayons pu faire, hard rock ou rock mélodique, l'esprit Gotthard a toujours été présent. Je pense que ce qui est intéressant c'est justement d'avoir varié notre style au fil de nos huit albums. Enregistrer exactement la même chose année après année génère un sentiment de lassitude et ce n'est pas motivant.

Tout de même, le Gotthard d'aujourd'hui s'est pas mal éloigné des premiers albums !

Il est vrai qu'après nos trois premiers albums, nous avons opté pour des couleurs différentes, une ambiance plus soft comme pour D.Frosted. Nous avons gagné de très nombreux fans à ce moment là et nous étions un peu inquiets de les perdre en enregistrant quelque chose d'aussi heavy que G. par exemple. Soyons réalistes, si tu veux vivre de ta musique aujourd'hui, il faut savoir faire des compromis. D.Frosted est devenu double platine en peu de temps et nous avons rallié à notre cause des gens qui ne connaissaient absolument pas le groupe auparavant mais qui ont été conquis par cet album. C'est la raison pour laquelle tu ne dois pas t'attendre à ce que nous revenions à 100% au hard rock de nos débuts. Cela dit, tu trouveras toujours, à plus ou moins grande échelle, des morceaux calibrés hard rock. En fait, c'est aussi une question de son et c'est principalement sur ce point que ce jouera la différence.

Votre premier simple "Lift 'U' Up" contient quatre versions différentes du même morceau ! Qu'est-ce qui vous a conduit à cela ?

Freddy : De nos jours, tout le monde met des bonus tracks sur les singles, EP, etc. Nous ne voulions pas de ça et avons réfléchi à ce que nous pourrions ajouter à ce premier single. Ces mixes différents de "Lift 'U' Up" nous ont semblé sympas et amusants. Mais attention, ce n'est pas à prendre comme du Gotthard, juste comme des extras enregistrés pour le fun ! C'était une expérience intéressante et les fans ont l'air d'apprécier. Nous ne jouerons évidemment pas ces versions remixées sur scène ! Nous pensons d'ailleurs que les fans de hard rock n'achèteront pas le single mais qu'ils attendront plutôt l'album.

La production de Lipservice est différente, plus brute que celle de vos cds les plus récents.

C'est exact et c'est une production typiquement américaine, signée Marc Tanner. C'est lui qui s'était occupé du son de Human Zoo. Je me souviens qu'au moment du mixage, Leo argumentait pour que les guitares sonnent d'une façon plus rentre-dedans. Marc a pris ces propos en considération tout en gardant en point de mire que l'album ne devait pas sonner complètement hard rock. Finalement, Leo et lui se sont mis d'accord et nous sommes très contents du résultat final. Comme Je le disais, nous ne nous fixons pas sur un son prédéfini ; celui-ci doit correspondre à la nature des compos.

Qu'est-ce qui vous a incité a créer votre propre label : G.Records ?

Tout d'abord, BMG a été racheté par Sony et les personnes que nous connaissions depuis treize ans, des gens avec qui il y avait un véritable échange, s'en sont allés. D'autres sont arrivés mais ce n'était plus pareil et nous avons jugé opportun de fonder notre label à ce moment là. Bien sûr, ce n'est pas évident au début mais d'un autre côté, tu contrôles beaucoup plus de choses et c'est ce que nous souhaitions. Autant faire les choses soi-même, quand tu en es capable et c'est le cas, plutôt que d'engager une tierce personne. Nous avons parallèlement changé de management, de guitariste, alors autant tout bouleverser d'un coup et repartir sur de nouvelles bases avec tes règles, pas celles des autres. Cela a pris beaucoup de temps pour tout organiser parce que nous sommes avant tout des musiciens et non des hommes d'affaire mais aujourd'hui, tout va pour le mieux !

Il existe un groupe de reprises de Gotthard : Streapsearch. Est-ce une fierté pour vous que l'on vous rende hommage de la sorte ?

Oui, c'est sympa. Ces gars viennent d'Italie et je sais que ça ne marche pas trop mal pour eux. Nous avons joué ensemble plusieurs fois au cours de diverses soirées et c'était très fun ! Heureusement, ils assurent plutôt bien ! C'est d'autant plus gratifiant que si ce groupe avait été mauvais ! C'est toujours une fierté de voir que d'autres musiciens reprennent ton répertoire parce qu'ils adorent ta musique.

Paolo Bolio fut le clavier de Gotthard pendant de nombreuses années mais n'a jamais été membre officiel du groupe. Pour quelle raison et pourquoi vous a t-il quitté ?

Paolo acceptait le fait de n'être pas membre de Gotthard, il savait que nous ne voulions pas d'un clavier permanent au sein du groupe parce que notre style n'est pas basé sur les synthés. C'était un ajout, histoire d'apporter une certaine couleur à notre musique. Il a décidé de partir de son plein gré pour expérimenter d'autres choses.

D'où vient son remplaçant (Nicolo Fragile) ?

Nicolo est italien et c'est un super pianiste qui a joué avec de grands noms. Il a une sacré expérience et s'avère plus rock'n'roll que Paolo ne l'était. Cela se ressent dans sa façon de jouer. Un véritable atout pour nous ! Nous l'avons rencontré en studio il y a quatre ou cinq ans et il a déjà participé à l'un de nos albums : Homerun. Nous n'imaginions même pas pouvoir utiliser ses services à long terme car c'est quelqu'un de très occupé, qui fait énormément de production dans son propre studio. Et puis, tout ça est devenu lassant pour lui et il a souhaité revenir au rock'n'roll, jouer sur scène aussi. Tu parles d'une aubaine pour nous ! C'est un type extra qui sert parfaitement la musique de Gotthard.

Quelques mots sur la prochaine tournée ?

Nous allons d'abord rôder le show, assurer pas mal de festivals d'été avant de réellement attaquer la tournée en elle-même. Il est question que nous revenions jouer en France en octobre/novembre. Notre dernier passage chez-vous, au Plan, ne s'est pas passé sous les meilleurs auspices. Ce n'était pas le bon moment tout simplement. Olivier Garnier a beaucoup travaillé sur Gotthard mais en nous présentant sous une image hard rock. Le public s'attendait donc probablement à un concert heavy alors que nous étions en plein dans l'étape D.Frosted et qu'une grande partie de notre show était axé sur les ballades et l'acoustique. La prochaine fois, vous aurez droit à un show rock'n'roll !